Archives de catégorie : COMMENT trouver la Joie

Laisser fleurir

Ce matin j’ai dû faire face à un tournesol que j’avais invité dans mon salon. Un grand, un immense tournesol, très jaune, avec son œil immense, vraiment noir, qui me regardait. On aurait dit un poème de Victor Hugo dans «Les châtiments ». Cette histoire d’œil dans la tombe qui regarde Caïn. C’est à ça que j’ai pensé. Évidemment, c’est une simple projection mentale, les tournesols n’ont jamais lu Victor Hugo. Quoique. Je connaissais les tournesols en groupe, dans les champs, un peu comme des longues files de voyageurs japonais tous tournés vers le même objectif. Je connaissais les tournesols de van Gogh qui sont devenus des stars. Mais je n’avais jamais été seule, face à face, avec un tournesol. C’est très impressionnant. Je suppose qu’on ressent la même chose face à Dieu. C’est fixe, immuable, très tendre et très doux en même temps. Il y a là une vulnérabilité étonnante à laquelle on pourrait ne pas s’attendre, la vulnérabilité étant rarement apparentée à la Conscience Pure. Et puis, il y a cet éclatement jaune. Inattendu avec tout ce noir. Un cercle noir immense et tout autour des feuilles qui ont l’air de bien s’amuser et de prendre du bon temps. Un pour tous et tous pour un. j’ai senti une vraie solidarité. Je veux dire si vous aviez l’idée d’abîmer un seul de ces pétales un peu fous c’est toute la fleur qui pourrait se mettre à pleurer. Et c’est un spectacle que je n’aimerais pas voir, un tournesol triste.

Le tournesol est comme le monde. C’est un monde. C’est le tien et peut être aussi un peu le mien, si tu insistes. Quand un être est blessé, c’est toute la terre qui tremble, même si tu fais semblant de ne pas t’en apercevoir. Un chagrin d’amour quelque part sur la terre est bien plus puissant pour la faire trembler que le plus grand des tsunamis. Au vu du nombre de chagrins d’amour dont j’entends parler, il n’est pas étonnant que les glaciers fondent. Les écologistes ont encore du bon temps devant eux parce qu’apparemment, ça n’a pas l’air de vouloir s’arrêter, la terre qui joue à avoir du chagrin. C’est la Conscience qui joue à se faire peur, l’œil de Dieu qui pleure toutes nos expériences. Un chagrin d’amour, c’est comme une guerre qui ne devrait pas avoir lieu. Une petite histoire que le coeur se raconte pour s’occuper. Ce n’est pas que l’autre ne t’aime plus c’est qu’il se déteste et qu’il ne sait pas comment te faire passer le message. Voilà. Tout est dit. Il pourrait le comprendre très simplement, si seulement il passait un peu de temps, seul, face à un tournesol, un matin de fin de semaine. Ou peut être un lundi. Ça doit fonctionner pour tous les jours de la semaine je suppose. Pour toute l’éternité, oui, évidemment, quelle drôle de question. Encore une question inutile, un petit noeud dans la tête. Nos têtes adorent les petits noeuds. Ensuite, elles s’occupent à chercher comment les défaire. On appelle ça être cultivé. Avoir une grande renommée. Ou bien Réussir sa vie. Plus vous avez de noeuds et plus vous pouvez être riche. Un tournesol aussi peut vous rendre riche, mais à sa façon. Notez que je ne parle pas d’argent parce que l’argent n’est jamais un problème. Je veux dire, ayez de l’argent autant que vos poches peuvent en contenir et amusez vous. Seulement évitez de mettre votre coeur à l’intérieur. L’argent dans une poche, le coeur dans l’autre, et tout ira bien. Ça s’appelle savoir tenir son budget. En d’autre terme, savoir précisément qui tu Es. Si tu n’es pas attentif, avec beaucoup d’argent, tu pourrais acheter tout un champ de tournesols. Et mettre à ton nom toute la terre. Partout où poussent les tournesols ce serait à toi. Et tu enverrais des fusées à la recherche d’autres tournesols. Des lunaires, des vénusiens, des galactiques. Tu planterais ton petit drapeau et tu dirais c’est à moi. Et Dieu se paierait la plus grande crise de fou rire qu’il ait jamais eue. Ce qui serait très impressionnant parce qu’alors tous les tournesols feraient la même chose. Et pas que les tournesols, d’ailleurs, mais les pivoines aussi, les pissenlits sans doute, et les roses ne seraient pas en reste. Telles que je les connais, ce serait un rire extrêmement discret, très élégant, un rire de salon derrière un éventail. Mais tous ces rires mis bout à bout pourraient changer la donne. La terre pourrait bouger de quelques millimètres et qu’adviendrait-il de nous ? Le soleil pourrait ne plus vouloir se coucher pour ne pas rater ça et la lune, toujours très narcissique, pourrait vouloir le suivre. Alors vous vous rendez compte, ce frémissement du cosmos tout entier, c’est l’éternité qui bouge.

C’est pourquoi je préfère me contenter plus modestement de mon tournesol dans mon salon. Lui et moi avons beaucoup de choses à nous dire, des éons d’amitié à partager. Nous allons prendre soin l’un de l’autre. Moi à la qualité de l’eau et de la lumière, et lui à la profondeur de sa Joie.

Prenez soin de vous aussi. Et les tournesols seront bien gardés.

C’est là mon chant

Je voudrais que chaque petite chose de la vie soit une fête. Une foraine, une très grande, une incroyable noyade vers des eaux profondément amicales.

Je voudrais que chaque heure soit comme un petit bijou, un foulard de soie précieuse et tendre, enroulé autour de nos mains.

Je voudrais que chaque minute soit un battement de cils noirs et doux, du petit velours en mouvement, comme une aile de moineau.

Peut-être voudrais-tu le monde comme une fête mais les fêtes sont provisoires et le monde est vain.

Peut-être attends tu des voyages, du sable, une mer vivante et ronde pour que le monde tourne rond. Mais les voyages sont incertains et le monde se défait.

Nous voudrions que chaque jour soit une fête, oui. Un chapelet de toutes petites minutes posées comme des couleurs sur nos manteaux. Alors nos pas seraient sûrs, nos cœurs entiers et nous pourrions danser. Je mettrais mes froufrous et mon joli chapeau. Tu porterais ton bel habit, tu serais très beau. Nous vivrions tous dans des manèges tournoyants, le monde aurait enfin la tendresse que tu attends. Les enfants seraient nourris et les guerres emportées. Les flammes seraient pour les vivants plus que pour les morts. Il y aurait de la joie dans les enterrements car c’est encore la Vie qui te reprend.

Il faudrait que tu fasses de chaque instant une petite fête. Sans crier, discrètement. Tu me diras comment fêter la maladie, la soif et les tourments ? Comment passer de la lumière étincelante au blanchiment de l’aube ? Tu penseras qu’il faut être innocente, et très sûrement naïve, pour croire à l’azur quand passent les canons. Tu croiras sans doute à ce que tu vois seulement. Et ce que tu vois, c’est la misère, le doute et l’effroi. Les fins d’automne, le gel et les grands froids. Tu cours derrière la fin du monde, l’argent, de glorieuses mémoires et ton nom sur les rues. Tu cours après ton ombre. Nous laisseras-tu quelque chose, toi qui ne fait que passer ? Un geste héroïque ou un simple baiser ? Une prière, un chant, ou un petit bouquet ?

Il est impératif que tu fasses de chaque moment une grande fête incroyable. Ça n’est pas optionnel, c’est même obligatoire, si tu veux mourir en paix. Et même plus, si tu veux la Paix avant ta mort. Je veux dire si tu veux vivre. L’existence est monotone, incolore et médiocre si tu ne brûles pas.

Le quotidien est fade et brumeux si tu ne te réveilles pas.

Tu voudrais chaque jour comme une petite fête mais tu dors encore et ta souffrance est vive. Si tu descendais jusqu’à Toi, dans tes profondeurs, tu rencontrerais la pépite, la semence. Tu toucherais à l’origine du monde, à la résurrection du Verbe. Tu aurais l’intelligence. La sagesse en toi remplacerait la force et les combats. La Paix pourrait te trouver et peut-être nous aussi. La tendresse remplacerait la douleur et les tristesses s’éloigneraient. Tu les saluerais de loin, comme on salue celui dont on ne sait pas le nom.

Tu sortiras de l’enfer car l’enfer est sur la terre et le paradis est en toi. Viens et vois. Tu auras la victoire, les anges et la barbe à papa. Tu pourras tendre la main et nous prendre avec toi.

Quoi de plus simple, quand on y pense.

 

 

 

 

La Joie est un papier de soie

La vraie Joie n’est pas en dehors de moi. Elle n’est pas en dehors de toi. Elle passe, elle se pose, c’est un oiseau léger qui porte un message. C’est une brise légère, un vent parfumé. La vraie Joie te traverse et pourrait s’installer. C’est ton état intérieur quand tu sais voir avec les yeux de la flamme qui t’anime et ne s’éteint jamais.

Elle est dans l’arbre, la fourmi et parfois aussi, dans les supermarchés. Elle naît dans la tourmente comme sur le paisible lac. Elle est contagieuse et se propage même quand tu te tais. Surtout, quand tu te tais. Elle ne s’exprime pas dans les cris et les incantations. Elle est absente de tout ce qui t’excite et s’agite. La Joie est étonnamment silencieuse. C’est ce qui fait sa puissance. Elle creuse en toi un berceau pour l’Amour que tu es. Elle fermera tes yeux à ton dernier souffle, si tu la laisses faire. Tu pourras nous quitter dans la Paix pour aller vers tes nouveaux chemins, nous laissant dans notre petite eau intérieure, nos chagrins légitimes et nos possibles prières. Cette Joie là est somptueuse et brûlante comme un jour d’été. Elle est aussi fraîche et vivifiante comme le grand vent qui pousse les navires. Elle est pétillante, craquante et divine particule. Elle est douce aussi et ne t’abandonnera pas. Elle est ta caresse dans la solitude et ta pierre dans la faiblesse. Elle est ta terre quand tu meurs et ton ciel quand tu nais de nouveau. Car il est possible de naître plusieurs fois, et même chaque jour, et même à chaque seconde. Seulement, si tu n’y prends pas garde, ta vie pourrait passer sans que tu le saches. Elle pourrait se fondre au lieu de s’étendre. Perdre ses couleurs, s’appauvrir et s’éteindre. S’éteindre est le chemin de ton corps, pas celui de ton Être. Que fais-tu avec ta vie et la vie des autres, voilà une jolie question que tu pourrais te poser. C’est une question chantante. Alors chante-nous quelque chose. Ne te défiles pas. C’est incroyable aujourd’hui comment le monde se défile. Le monde te promet la lune, c’est un monde illusoire. Je te rappelle que l’éclat de la lune provient du reflet du soleil. Elle n’est pas le soleil. C’est juste une petite histoire qu’elle te raconte. Et je vais te dire, si tu te laisses prendre, tu es fichu. C’est un songe, une fausse lumière, un pâle reflet. Un miroir qui te murmure à l’oreille que la vie se gagne alors qu’elle se reçoit. La lune te maintient dans la petite enfance qui ne veut pas grandir. Et je ne parle pas de la belle petite enfance, ni de ces innocents aux mains pleines, et pleines de quoi ? Pleine de puissance, d’espérance et de joies. Ces petits enfants là sont les héritiers du Royaume de Dieu. Ils cultivent en eux l’émerveillement, autant dire la Joie. Et Voilà, j’ai bouclé mon petit cercle. Je suis revenue à mes origines. Celles des mots comme celles du monde. Les mots sont des mondes et là aussi il me semble que tu devrais faire attention. C’est à dire être attentif à ce que tu dis. Parce que si la Parole est créatrice alors que dis-tu de toi-même ? Que dis-tu des autres ? Tu parles sur ta vie et sans la Joie des profondeurs, tu la disperses et l’abîmes. Tu te diminues, tu t’essouffles, tu perds ta puissance.

Voilà pourquoi tu dois laisser la Joie te trouver, c’est urgent. C’est vital parce que tu dois vivre. Fais retour. Laisse nous t’aimer comme tu mérites d’être aimé. Abandonne ton orgueil, tes peines et ton petit vernis.

Tu n’as rien à gagner dans ta peine et tes maux, à moins qu’ils ne te poussent vers ton Ciel intérieur. Lieu de repos. Lieu de clarté. Lieu délicieux.

Reviens. Tu es chez toi.