L’élégance du discernement

Si la Vérité doit te rendre libre, où la trouver ? Si l’Amour peut te donner des ailes vers quoi s’envoler ? Et si la Paix marche sous tes pas, comment la garderas-tu ?

Avant de revêtir tes habits de lumières, tes fragrances et tes paillettes, dis-moi quel air choisis-tu de respirer et de nous souffler au visage ? Parle-moi de ce qui remplit tes poumons à cet instant. Parce que si tu étouffes sous les faux-semblants et les mensonges de ta petite personne, ce que je respire de toi est sans oxygène. En même temps il est salutaire que tu ailles vers ce lieu profond où tu meurs à toi même. Tu devras laisser derrière toi les flaques, les eaux boueuses et les pensées mortifères, pour aller sur la montagne. Étonnamment, la montagne te ramènera à toi-même et te montrera la vallée. Dans un premier temps, tu oscilleras entre les deux. Et cette oscillation t’amènera la faveur de l’équilibre. Tu verras que la vie réelle n’est pas plus sur les hauteurs que dans les creux. Pas plus en haut qu’en bas. Tu te jugeras inapte et peut être inintéressant. Et tu auras, d’un certain point de vue, tout à fait raison. Parce que ce n’est pas ce que nous choisissons de voir en toi.

Ce que nous voulons voir, c’est l’or étincelant d’une puissante Conscience.

C’est la valeur de ton Etre quand il se relie à la Source suprême. C’est l’épanouissement de ta Joie quand tu te sais aimé absolument. C’est à dire sans conditions ni contraintes, sans terreurs ni doutes.

Ce que nous voulons voir en toi, c’est la tendresse de l’enfance qui s’amuse à tout imaginer et à le croire possible. C’est la puissance de l’innocence qui offre au monde une vulnérabilité qui n’est pas une plainte mais la reconnaissance du Bien.

Ce que nous croyons pour toi, tu dois le croire pour toi même et en cela, peut-être, tu te sentiras seul. Abandonné. Possiblement misérable. C’est parce que tu marches le nez pointé vers tes godillots sur la pourriture d’un chemin qui ne te convient plus. Alors tu lèveras les yeux vers le ciel et les étoiles te paraîtront inaccessibles. C’est toujours comme ça avec les étoiles. Lointaines, distantes, éblouissantes, elles tiennent l’homme occupé à d’incompréhensibles mystères trop grands pour lui. Et te voilà perdu dans cette obscurité animée d’inaccessibles lucioles. De nouveau tu oscilleras entre la terre et le nuage, la poussière et la pluie, la cendre et le ciel. Alors tu observeras que ce qui fait le lien entre le Haut et le Bas, le Paradis et l’Enfer, c’est l’Humain que tu es. Tu vivras l’écartèlement de la croix qui te porte en son centre. L’endroit où se relient les Mondes. L’endroit où tu assumes ton horizontalité en vue de te verticaliser. C’est le lieu de la Présence, le lieu de ton Essence. La seule et indicible souffrance qu’elle aura l’air de t’offrir n’est pas réelle. Elle est l’histoire que tu t’es racontée jusqu’à ce jour. Et comme la petite personne en toi tient à ses souffrances, elle croit encore que le Divin pourrait préférer la douleur à la Paix, le chagrin à l’Amour, le sang à la Joie, quand Il te ramène simplement à Toi-même. Le centre d’une croix, c’est la croisée du chemin. Ton chemin. Tantôt à gauche vers un passé qui n’est qu’une mémoire entretenue. Tantôt à droite vers un futur qui n’arrive jamais. Pour peu que tu continues de croire à la linéarité du temps.

Alors en bas, qui te rappelle où tu t’en va très certainement, la terre nourricière que tu iras nourrir. Et puis en haut, vers les paradis perdus ou possiblement conquis. Dans aucun de ces endroits tu ne pourras poser ta tête, car il n’y a là pas de repos possible. Ce sont de simples points cardinaux et tu crois que c’est vrai quand ça ne l’est pas. La Vérité se trouve au centre de toi-même, comme un lumignon qui fume parce qu’il semble éteint. Mais si tu as l’Inspiration de souffler dessus, le voilà qui s’allume pour éclairer ta route et ton âme. Personne ne peut l’éteindre et même Dieu ne le fait pas. C’est l’espace en toi porteur du Souffle de ton existence. De ta vie. C’est le silence profond où le battement de ton cœur est à l’unisson du battement de coeur de ta Source. C’est-à-dire de la Vie même. Un battement d’ailes seulement te sépare de ton Lieu Secret. Un Souffle. Possiblement, une simple respiration.

S’il-te-plaît, assieds-toi.

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L’heure bleue

Il y a dans cette heure délicieuse nommée « heure bleue » toute l’espérance du monde que tu peux créer. Aussi, reçois le parfum magnifique de cette heure entre deux ciels.

L’heure bleue est le si joli moment entre la lumière et l’obscurité où le ciel fonce sa couleur claire en préparant sa nuit, l’instant le plus lumineux précédant le crépuscule . Mais comme un bonheur n’arrive jamais seul, l’heure bleue revient à l’aube. Un cadeau d’une quinzaine de minutes juste pour vivre la magie du vivant. L’heure bleue est comme une invisible porte avant, ou après, les tumultes et les orages de ta journée. En été, cette heure est la plus favorable pour sentir le parfum des fleurs. Et c’est aux premiers instants de  l’heure bleue  que l’ensemble des oiseaux se met à chanter. Cette symphonie ne dure que quelques minutes avant que la vie ne reprenne son cours. L’heure bleue scelle le passage entre le visible et l’invisible. Tout semble au repos, et pourtant tout est en travail. Ceux qui prient sont déjà debout, ils savent que c’est le temps de l’exaucement. A cet instant précis, pour quelques minutes seulement, s’ouvre un passage. Il y a là le silence, tout le pouvoir créatif du commencement des Mondes. Car l’univers a été créé dans une bulle de parfait silence. Rien à voir avec un bruyant Big Bang. Le bruit, c’est une parade du vivant, un faux-semblant de respiration humaine. Seul l’intimité du silence donne la vie. Dans cet espace, je peux entendre les battements de ton cœur et le mien. Et c’est à cet endroit que le Divin t’écoute et te répond. Tu fermes les yeux et ton Être te parle. A condition que tu te taises. Que le bruit mental, incessant qui te tient lieu d’objectif de vie se calme et s’apaise. « Fais silence, et connais que je suis Le Créateur» dit la Torah.

Tais-toi. Pour une fois, tâche de grandir un peu. Pousse en vertical, prends de l’expansion et caresse ton ciel intérieur. Ton Cœur profond est bleu. Un bleu précieux d’une entre-deux vies, entre deux morts qui n’en sont pas. Si tous les cœurs du monde se parlaient quand s’élève l’heure bleue, il y aurait la Paix sur la terre, c’est absolument certain.

Pourquoi vouloir décrocher une si lointaine et turbulente lune quand d’incroyables jardins intérieurs attendent ta semence et ta joie ?

La tranquille et superbe heure bleue est le tendre rappel de l’Amour.

Réveille-toi s’il-te-plaît.

Pourquoi j’aime les pâquerettes

C’est dans l’air, paraît-il, ce goût des autres et de leurs petites histoires. Pas toujours très claires, les petites histoires. Venues de loin, souvent, c’est-à-dire de ce qui se fait passer pour du lointain. Parce qu’en fait rien ne vient jamais de loin mais plutôt du tout proche.

[Même si, très personnellement, j’aime aller loin et j’adore les avions. Et tout ce qui sert au mouvement. Mais surtout les avions. J’adore les traces qu’ils laissent quand je regarde en haut parce que je me dis que moi aussi je laisse ma trace en bas. Qui, à vrai dire, ne tient peut être pas plus longtemps que leur blanche et grise fumée. Tant pis. Ceux qui ont des yeux pour voir sauront de quoi je parle. Et ceux qui ont des oreilles pour entendre pousseront la chansonnette avec moi].

Je reviens à mon sujet. La pâquerette. Et pourquoi je les aime. D’abord, parce qu’elles sont plus rares qu’on ne le pense. Ensuite, parce que si tu les cueilles, elles meurent très vite. C’est une histoire d’appartenance. Tout ce que je veux saisir et garder pour moi est voué à mourir. L’amour, la joie, la tendresse et le rire. Tous ces petits pétales, ces fragiles pétillances sont pour le monde entier. Aussi je dois être attentive à ce que je fais. Même la manière dont je respire à son importance. La pâquerette est sensible à la manière dont tu respires, crois-le ou non. [Bien que je me permette de penser que ce serait bien que tu le crois]. Tu me diras sans doute que les roses et les chardons y sont sensibles aussi et tu auras raison. Sans compter tous les arbres, les torrents, les vallées et même la lune, en fait. Mais je sens que nous allons nous égarer et nous occuper de choses bien trop grandes pour nous. En tout cas pour moi. Je reviens avec une tendresse que j’espère visible vers la pâquerette.

La pâquerette « plante vivace de la famille des Asteracées » [si, tu pourras vérifier], elle me rappelle toi, elle me rappelle moi. Tu ne le sais pas, je m’en doute. C’est pour cela que je suis là. C’est une très grande et très majeure découverte qui ne sera hélas pas évoquée sur les médias aujourd’hui, sans cesse occupés de choses extrêmement importantes, des plus apparemment graves et tristes.

La pâquerette est rustique – si.. un peu… quand même …- bien qu’elle se fasse appeler « petite marguerite » ou « fleur de Pâques », par humilité. Une petite caractéristique qui pourrait sauver l’amour. Parfois. Et quand je parle d’humilité il n’est pas question de t’enfoncer dans la boue. Non. J’invoque une toute petite invocation de l’Etre à se souvenir d’où l’on vient.

A se rappeler que tu n’es pas le pétale mais le pistil, pas le soleil mais sa lumière. Et sa chaleur aussi quand tu prends quelqu’un dans tes bras. La pâquerette est fidèle à ce qu’elle paraît être. Pas de faux semblant. Elle ne se fait pas passer pour quelqu’un d’autre, ce qui est très reposant par les temps un peu orageux que nous traversons. Elle n’a pas l’élégance de la pivoine et son extatique floraison. Elle n’a pas la puissance du chêne et le snobisme de la rose. [Le Petit Prince en a fait l’expérience et moi j’aime ceux qui expérimentent la vie plutôt que d’en parler]. La pâquerette est comme un enfant qui joue. Moins susceptible que le coquelicot qui se laisse à peine approcher, moins éphémère que la jolie violette, elle n’émet pas plus d’odeur que de son. Mais la pâquerette sort toujours en famille et c’est peut-être ce qui fait sa force. [Pour ceux qui considèrent que la famille est une force dans la vie, et moi je dis que c’est un point qui reste toujours à débattre …]

J’aime la pâquerette qui pousse aussi aux pieds des hautes tours, dans les cités autant que dans les squares et les prairies.

J’aime la pâquerette, parfois minuscule et pourtant très aguerrie. Les inconscients l’écrasent sans même l’avoir vue et personne ne l’entend se plaindre. Pourtant, c’est très lourd l’inconscient planétaire, la maladie de l’ignorance et de l’[égo]centrisme. C’est très pesant si tu aimes les fleurs.

Et c’est douloureux quand tu bouges.

Toutes ces peurs, ces aveuglements, ces cœurs durs, font d’incroyables petits tambours, d’invraisemblables percussions qui font mourir la pâquerette et le cœur de l’Homme.

Sois vigilant.

Jour après jour, je viens à ta porte

Il te faudra de la vigilance lorsque que tu ouvriras un livre rangé depuis très longtemps. Il a été posé là, déplacé peut-être, d’une étagère à l’autre. Il a fait partie de tes choix de vie tout autant, ce que tu as gardé, ce que tu as jeté, tous ces décisions que tu as dû prendre durant la traversée. Tu en as sacrifié quelques uns à la sortie de l’enfance et tu en as sanctifié d’autres qui n’étaient pas à toi. Tu les as reçus, ils sont encore là tandis que tes aimés s’en vont, taillant la route par leur absence. Qu’ils soient morts ou plus simplement partis, ils t’ont quitté. Et le livre est un don de reconnaissance, une pensée qui s’attarde au bord du coeur et des yeux. Ta main le saisit sur l’étagère et ta mémoire se renouvelle. L’ouvrir avec délicatesse est un hommage aux disparus. Il y a là une attention très tendre et peut-être un peu inquiète. Parfois il ne contient rien d’étonnant, ce sont de simples feuilles calligraphiées qui racontent des histoires. Et cette histoire pourrait ne plus t’intéresser. Il arrive cependant qu’en feuilletant le papier quelque chose surgisse qui n’était pas prévu. Une carte postale datant du temps où nos mémoires étaient encore offertes par des mains d’hommes et de femmes. Une lettre absolument oubliée à cause de la douleur, une photo pimpante et ensoleillée d’un paysage marin ou d’une cathédrale, une petite photomaton laide et grise, te sautent au-travers des yeux jusqu’au cœur. N’oublions pas la fleur séchée, souvenir d’une grand-mère ou d’un joli-cœur, tartines et chocolat, le petit Casino avant la plage, les bretonnes marées, « la plage sous les pavés » comme on disait alors.

Tes mémoires sont de si jolies poupées russes !

Chaque livre est un ouvrage, une boîte aux trésors, une malle de voyage. Chaque livre est aussi un coffre-fort, une cage fermée.

Ton existence est onirique et les oiseaux sont au ciel. Parfois la photo est vivante, le paysage incroyable et tous les gens sont beaux. Incroyablement et très parfaitement présents, avec leurs visages tout ouvert et leurs regards droits devants vers nous. Celui qui fixe le temps, celui qui pose, celui qui regarde, tous ces petits mondes ne font qu’un. Alignés, tellement vivants, c’est la Présence. La magie de l’instantané quand il devient Créateur. Quelques secondes et vous voilà éternels. Le mythe d’Icare sans la malédiction, l’envolée sans la chute, l’eau forte d’un peintre inconnu.

Parfois c’est la carte ou la photo qui tombent. Tout ça chute sur le sol et c’est imprévisible. Voilà qu’une Vie glisse à terre. Une date, une signature et quelques mots comme de petites flammes, une brûlure douloureuse, un torrent, une tempête. Ou peut-être une douceur, voyelles et consonnes enfin réunies, des bonbons disparus, du sucre collé au fond de la mémoire pour garder le cœur. Ah ! Reçois le don des larmes comme la reconnaissance de la trace laissé par l’auteur. Laisse-toi traverser par la grande émotion qui vient maintenant éclairer toute la Grâce que tu avais choisi d’ignorer. Laisse-toi porter, oui, car les grandes ailes du pardon sont pour toi. Laisse-toi prendre à la petite ficelle de la mémoire, aucun lien n’est brisé, tout est toujours éternel. Entre les « vivants » et les « morts », les « vivants » et les « vivants », tout est toujours là, à portée du Souffle. La carte, la photo dans le livre, le livre dans la bibliothèque, la bibliothèque dans la maison, la maison sur le territoire, les frontières installées, tout ira en s’effaçant.

Essaie de ne pas l’oublier.

Tes choix de vie te regardent, je veux dire qu’ils te regardent en face et t’interrogent. Ta mémoire n’est rien, ton souvenir est léger. Tout s’en va vers une tendre poussière.

Aussi, je te demande, quelle trace marquera le pas de ton chemin pour celui qui te suit ?

 

L’attente au jardin

J’aurais voulu les crinolines comme un pompon posé sur ta poitrine. Sous les jupons, la joie, le mystère et les soupirs. Les fleurs comme des collerettes et des figures, et puis aussi le lointain paysage. Le ciel mangé par les vallées, les arbres et les collines posées pour faire joli.

Il y a là une femme assise, jeune, pensive, un peu enrubannée. La robe est blanche, mousseuse comme de la petite crème. Un long ruban azur entoure la taille et serpente jusqu’à la terre, ocre où peut-être beige. Tout dépend du regard et de la couleur de l’œil qui la regarde.

Il fait doux, tendre, c’est le plein été. C’est le temps des fleurs posées à nos pieds, éclatantes et bientôt fanées par la chaleur. C’est le temps d’un joli chapeau rond presque blanc, cerclé de soie grise, comme un pâle rappel de l’automne à venir. Car l’été ne dure jamais et ne fait que passer vers vous. Puis il traîne un peu, brûlé une dernière fois pour se noyer dans l’automne. Il sera temps alors d’ouvrir votre joli parapluie. A moins qu’une petite ondée ensoleillée vous y pousse doucement un peu avant. Mais alors la pluie est incolore, presque bleue et pas tout à fait grise. Elle est très douce et ressemble à des larmes. Elle me rappelle les chagrins des amours jeunes, les colonies de vacances, les tendres flirts et les petits cheveux.

Je ne sais pas ce que cette jeune fille assise sur sa chaise en volute forgée cherche à me dire. Son regard insiste à vouloir une réponse qui semble déjà connue. Je cherche la question, la petite étoile filante de son cœur vers le mien. Elle m’interroge et me dit « Il est possible que ce que tu demandes viennes à toi. Et alors, que répondras-tu à l’Amour qui revient ? »

Oui. Que répondras-tu à l’Amour qui revient ?

Celui qui sème avec larmes moissonne avec allégresse

C’est le chagrin, la peur, la douleur, qui donnent naissance à cette petite eau. Petite eau devient long fleuve, sanglots, torrent tumultueux, incontrôlable. Vue du ciel, cette eau qui s’écoule est majestueuse. Il s’agit d’un liquide précieux, pure et salé, porteur d’espérance.

Car chaque larme tombée à terre assouplit les résistances de ton cœur. Le sel à l’intérieur aide à te souvenir qu’une graine a été semée. C’est le sel de la terre qui accompagne la lumière que tu es dans ce monde.

Parfois, tes larmes sont une petite eau pour la Joie. Tu as tellement souhaité et voulu cette création que tu t’autorises enfin à vivre ! Ton cœur éclate sous cette indicible émotion. Et quand ton cœur éclate, il en ressort de précieux et purs joyaux.

Tes larmes pour ta joie, tes larmes pour ta peine, offrent aux autres la liberté de sentir battre leur Cœur profond. Tes larmes sont contagieuses, tout autant que tes peurs et tes joies. Si tu n’avais pas oublié qui tu es déjà, tes larmes seraient inutiles. Dans le Royaume, elles ne sont pas nécessaires car l’Expérience est pure et douce. Les fleurs y sont toujours tendres et l’Amour immortel. Dans cette plénitude, tout est vivant, étincelant et joyeux.

Tes larmes pour ta joie, tes larmes pour ta peine, lèvent les obstacles, dissolvent tes résistances. Elle sont le révélateur de ce que tu appelles « nostalgie », cette douloureuse émotion, cette pensée que tu es loin de chez toi et que tu t’es perdu. La nostalgie est l’indication diffuse d’être déconnecté de toi-même. D ’avoir oublié quelque chose et tu ne sais plus quoi. Elle t’indique qu’il est temps pour toi de rentrer à la maison, de retrouver ta puissance et ton repos. Bien sûr, il y aura encore et toujours quelques allers-retours mais c’est sans importance tant que la direction est connue.

Comprends. Quand les larmes montent, ton corps prends le relais et tu te sens submergé. Tu pleures souvent bien au-delà de la peine, tu ne sais d’ailleurs même plus pourquoi tu pleures et tes pensées amènent continuellement d’autres pensées souffrantes. Ce sont tes souvenirs, tes mémoires, tes trahisons, tes échecs et tes pertes. Les enfants font la même chose quand il s’endorment, épuisés par les sanglots. C’est une manière pour le corps d’apaiser les tensions et de soulager la vie. La puissance de tes larmes est proportionnelle à la puissance de tes résistances. Elles dissolvent les cailloux dans la rivière, soulagent le corps, permettent une libération, ouvrent un chemin vers la plénitude et la joie. Elles sont amicales. Accueille-les avec tendresse. Chaque larme qui tombe de ton œil t’apporte la clarté nécessaire.

Les larmes ouvrent les yeux des aveugles.

Alors, tu peux voir que ce que tu cherches c’est ta joie. Pour l’instant tu fais l’expérience d’habiter un endroit émotionnel intérieur qui ne t’autorise pas à être heureux.

Plus tu as une personnalité sensible et plus les larmes viennent aisément. Certains êtres, au contraire, ne pleurent jamais. Ils gardent en eux cette petite marée tranquille et belle. Seul le cœur brisé permettra la montée des eaux. C’est pourquoi ne soupire pas quand le cœur de ton prochain est enfin fendu et transpercé. Car c’est la Vie qui passe et se fraie un chemin. C’est la goutte d’eau tombée sur la pierre qu’est le cœur endommagé, nécessaire à la guérison.

Toutes nos larmes sont un chemin de grâce et de renaissance. Les écluses des cieux s’ouvrent, nous pouvons renaître et tout recommencer.

Respirer dans la perte

Sous la pression, sous la tension, la Vie t’offre une nouvelle étoile, un tendre chemin de renaissance.

Quand la douleur de la perte t’entoure et te fait mourir, c’est le moment d’y aller et de traverser. Comme les fortes vagues dans lesquelles il t’est conseillé de plonger plutôt que de te laisser prendre et rouler.

Plonge. Dans le feu de l’absence, la douleur de ce qui semble définitif et improbable, la fournaise de la maladie, la distorsion de tout ce qui, dans ta vie, semblait réel. Fais de la blessure une offrande à toi-même pour la résurrection de la pure merveille que tu es. Parce que tu t’es oublié, tu as cru à l’existence des méchantes sorcières, tu as pensé que la Vie réglait ses comptes avec toi quand tu projetais simplement tes frayeurs et tes doutes.

Plonge dans la vraie Compassion. La vraie Compassion est l’acception totale de ce qui est. Plonge dans la vraie Compréhension de cet Amour inconditionnel pour toi-même et l’honneur absolu pour le chemin et le choix des autres.

Si je te dis « tout ça est sans importance » tu vas m’en vouloir. Et pourtant, quand tu auras traversé tu comprendras. Quand tu auras traversé tu verras. Car l’important n’est pas de « comprendre » mais de « voir ». Ce que tu vois se transforme. C’est la puissance de la Lumière. Plonge. Permet à cette énergie de te servir. Deviens souverain et règne au milieu de tes ennemis. Tes ennemis ne sont pas à l’extérieur de toi, ils sont ton identification à la fausse personnalité que tu choisis de nourrir. Alors tu mets la flamme de l’enfer en-dehors de toi et même tu l’utilises pour punir les autres de ta propre création. Tu mets dans le regard de ton prochain ton napalm intérieur. C’est dire comme tu te détestes encore.

Les hindous appellent « Samskara » la boule d’émotions endurcies que tu préserves en toi, les tendances résiduelles qui font partie des conditionnements. Ceux qui sont qualifiés de « négatifs » entravent ton évolution. Ceux que l’on nomme « positifs » peuvent t’entraver aussi. Ce sont les bonnes émotions que tu n’as pas « laissé passer » non plus. Tu les stockes comme si elles ne devaient jamais revenir. Ton cœur émotionnel se change en container et se remplit de tes petits trésors. C’est une autre façon de ne pas avoir confiance dans le mouvement de la Vie. C’est te faire croire que l’océan tout entier pourrait disparaître et que les vagues se contentent de mourir sur le rivage pour ne jamais revenir. Tu sais bien que c’est faux. Vois. Les vagues vont et viennent et ne paraissent pas vraiment mourir. Tu vis comme étant la vague et ta condition te paraît éphémère. Mais l’océan est éternel et toi-même tu appartiens à l’océan, alors que crains tu ? Pas même la mort. La vague meurt sur la rive tandis que ton âme chante pour l’éternité dans l’océan de la Source.

Alors respire. Entre dans le souffle de la fournaise de ce moment présent horrifique, possiblement infernal. Abandonne ton faux pouvoir, ta fausse énergie, toutes tes inutiles tentatives d’aller chercher l’Amour en-dehors de toi-même. Sors de l’illusion d’une Toute-puissance extérieure à l’Etre unique qui est toi quand tu choisis d’être vrai.

Comme le soleil à l’aurore, la Paix est toujours là. Tu ES la Paix originelle. Tu ES l’Amour, l’Innocence et Joie. Tu ES tout cela depuis la création du monde. Tu dois juste retrouver la mémoire.

Aussi, traverse, je t’en prie, les fournaises avec courage et loyauté. C’est le feu divin que tu voudrais éteindre, la tendre brûlure que tu as demandé, la lumière de l’Amour au milieu des cendres.

 

 

Un temps pour jeter des pierres, un temps pour ramasser des pierres *

Quelles pierres lances-tu dans l’univers ? À quel amour t’adresses-tu ? Quelle partie de toi-même souhaites-tu déchirer ? Quelles formes ont-elles, ces pierres que tu jettes ailleurs qu’en toi-même ?

Certaines ont la forme du galet poli par le vivant, la mer roulée quand elle te ramasse, d’autres tiennent au creux de ta main comme de petites pensées, de si jolis songes, de joyeuses illusions. D’autres sont des rocs que tu voudrais rouler au-dehors vers de possibles voyages, de lourdes rancunes, des noyades insensées. Certaines brillent comme de jolis cristaux, de petites graines que tu cherches à donner et dont personne ne veut.

A quoi ressemblent ces pierres dont tu te débarrasses ? De quelles sortes d’imprécations personnelles les as-tu nourries ? Quelles incroyables prières transportent-elles ? Sont-elles noires comme la nuit qui les a fait naître ? Sont-elles transparentes, vibrantes, amoureusement portées ? Sont-elles issues de tes mémoires enfouies, tes profondes grottes intérieures dont la terre ne veut plus ? Ont-elles la couleur étincelante des aurores boréales, vertes veines et blanches lumières ? As-tu prévu de les faire exploser et d’éclairer la terre d’un jour nouveau ? A quoi ressemble ta nouvelle création et que nous apporte-t-elle ?

Est-ce pour nous ensevelir ? Qui souhaites-tu voir mourir avant qu’il ne te quitte ? Qui voudrais tu faire revivre d’une éternelle vie, à qui destines-tu cette petite attention ?

Oui, dis-nous. A quoi servent-elles toutes ces pierres que tu nous lances et d’où viennent-elles ? Est-ce que tu le sais ? Tu es dangereux si tu ne sais pas d’où viennent toutes ces choses en toi, ce qui les a nourris et ce qui les transporte. Tu pourrais nous blesser, nous abîmer, écorcher quelque chose en nous qui pourrait ne pas vouloir renaître.

Je ne peux pas t’empêcher de lancer tes pierres. Toutes ensembles ? Une par une peut-être ? Quelques poignées ici et là les jours de grand vent et de possibles tourments ? Nous ne pouvons pas t’en empêcher, nous sommes démunis, désemparés et possiblement fatigués.

Mais je vais malgré tout te dire, avec tes pierres tu feras ce que tu voudras parce que tu es libre. Avec tes pierres, tu essaieras d’atteindre une impossible étoile ou le coeur de ton frère, de l’étranger. Avec tes pierres, tu te feras ta guerre. Avec tes pierres, tu fuiras ton désespoir et tes peines. Avec tes pierres, tu crieras la force et la douleur de l’insulte. Avec tes pierres, tant qu’il t’en restera, tu voudras échapper à tes désespérances. Avec tous tes sacs remplis de toutes tes pierres, tu viens vers nous.

Lance toutes les pierres que tu veux, et vois ce que je choisis d’en faire. Avec les pierres que tu lances vers moi, je fais des sanctuaires, des autels où brûleront pour toi des parfums, des encens et de possibles talismans. Avec tes pierres, je fais de petits cailloux. Avec ces petits cailloux, issus de tes pierres, issus de ton cœur dur comme la roche, je sème d’éternelles traces sur ta route. Pour que tu puisses revenir et rentrer chez toi.

Oui, lance toutes tes pierres.

Et vois ce que choisis d’en faire.

 

 

*Ecclésiaste 3/5

« [Il y a un temps pour tout sous le soleil], un temps pour lancer des pierres et un temps pour ramasser des pierres ».

En ce moment que manque-t-il ?

Avoir un but vous fait sortir de vous-même et du moment présent. Ecoutez, il ne s’agit pas « d’errer comme une âme en peine » dans l’existence, il s’agit d’exister justement avec toute la complétude de soi-même, Esprit, Âme et Corps. Aligné, immobile, silencieux, c’est à dire centré sur ce que le Christ appelait « le lieu secret ». Allez vous poser. Puis, comme il est écrit, « fermez la porte et le Père qui habite ce lieu secret est là avec vous. Il sait. Il vous voit ». N’est-ce pas incroyable ? Vous pensiez n’avoir aucune importance, que votre souffle même ne valait pas grand-chose et voilà que vous êtes vu. Vous êtes vu en tout temps, tous les jours et toujours. Mais ici dans cet endroit intérieur, quand vous fermez la porte aux agitations du monde, vous pouvez VOIR aussi. Et ENTENDRE. Et RESSENTIR l’Amour au coeur même de votre respiration. Vous êtes puissant, le souffle que la Vie vous a donné est dans vos mains tout autant que dans votre cœur.

Alors que devient le but ? Que deviennent l’intention, la réalisation, la possession et la valorisation, la passion, l’ambition ? Comment savoir où aller si je ne choisis pas une possible destination ? Comment être sûr que la Vie me veut vraiment du bien ? Comment me laisser porter par la confiance comme un bouchon sur son fleuve sans savoir où va le fleuve ? Comment ne pas pagayer à contre-courant au vu de l’obstacle qui s’annonce ? Comment se laisser possiblement chuter au prochain tournant, balloté par les eaux ? Comment savoir si ma destination est sûre et mon rêve possible ? Comment accepter de perdre en chemin la moitié des gens que j’aime ? Comment aller vers la Mort sans avoir vécu ? Comment rejoindre l’Amour en étant toujours si seul ? Comment accueillir la douleur dans ma poitrine sans entretenir la souffrance ? Comment être quitté sans vouloir mourir ? Comment se sentir abandonné et laisser la Vie vous prendre dans ses bras quand vous voudriez la vomir ? Comment refaire confiance après la colère, la méchanceté et la trahison ? Comment se sentir parfaitement aimé après le claquement de la porte ? Comment garder la foi quand tout devient poussière et s’envole à jamais ? Comment prendre dans ses bras celui qui ne veut pas se laisser embrasser ? Comment faire face à la colère meurtrière de celui qui vous adore autant qu’il vous hait ? Comment faire face au mensonge de celui qui s’ignore ? Comment ne pas m’oublier dans le bruyant vacarme de mes folles pensées ?

Comment poser sa besace, ses peines et ses hontes au milieu de la nuit ? Comment ma vie peut-elle avoir un sens quand aucun nom n’est écrit sur la carte ?

La seule véritable question à vous poser est la suivante : que voulez-vous ? Là, maintenant, qu’est-ce que vous voulez ?

Faites-moi la grâce de ne pas vous défausser. Ne dites pas « la paix dans le monde », c’est une réponse inutile qui ne va pas beaucoup nous intéresser.

Que voulez-vous pour vous-même ? Quelle est votre juste route vers la Joie ? Celle qui ne dépend ni des circonstances, ni des autres. Celle qui vous emmène plus profond, à l’intérieur de vous, dans le véritable lieu secret.

Là, en moment, que manque-t-il ?

Petit baume pour le cœur

Partageons nos inaccessibles. Le monde à refaire et qui vous fait de l’ombre. Toutes vos élucubrations personnelles, vos infâmes tendresses ou que vous croyez telles. Les petites histoires, les défaites et les victoires. Les instantanés qui perdurent au lieu de disparaître.

Partageons nos rencontres, celles où elle vous aime et celles où il vous tue. Parlons de vos échanges, les vôtres, les miens, avec les autres, toujours les mêmes. Le monde tourne en rond, allons nous coucher. Demain sera une belle et souveraine journée, une autre encore, et tout ira bien. Il n’y a là plus rien à craindre, rien qui nous dérange. Prenez la vie du bon côté, celui qui vous fait plaisir, pour un bel avenir. Et quand vient le réveil, la Conscience de votre éternité, il vous faudra fleurir avant de nous quitter. C’est important, c’est la trace de la feuille tombée de l’arbre, du vent quand il palabre. N’oubliez pas que vous ne pourrez jamais nous quitter tout à fait. Bien sûr le visage disparaît déjà et vous ne sentez plus la douceur de l’étreinte et du parfum. Cependant il y a dans le cœur un bel espace où nous pourrions vous faire une place.

Quand tu tournes sur toi-même aussi vite que possible c’est parce que tu crois que tu pourrais t’envoler, décoller et creuser les nuages. Hélas, tu as beau lever les yeux aussi loin que t’emmènent tes aurores boréales, la terre ne cesse de te creuser une fin prochaine. Tant d’efforts pour si peu de bien. Je sais, parce que c’est absolument certain, que nous devrons tous poser nos armes, nos petits jouets et revenir à la maison.

Laisse-moi penser que cette douce saison viendra à réunir tous ceux qui s’aiment.

Et quand le temps viendra, car il viendra, aussi sûrement que le ciel sera bleu, je veux être celle qui te fermeras les yeux.