Archives de catégorie : COMMENT gérer les conflits

Un temps pour jeter des pierres, un temps pour ramasser des pierres *

Quelles pierres lances-tu dans l’univers ? À quel amour t’adresses-tu ? Quelle partie de toi-même souhaites-tu déchirer ? Quelles formes ont-elles, ces pierres que tu jettes ailleurs qu’en toi-même ?

Certaines ont la forme du galet poli par le vivant, la mer roulée quand elle te ramasse, d’autres tiennent au creux de ta main comme de petites pensées, de si jolis songes, de joyeuses illusions. D’autres sont des rocs que tu voudrais rouler au-dehors vers de possibles voyages, de lourdes rancunes, des noyades insensées. Certaines brillent comme de jolis cristaux, de petites graines que tu cherches à donner et dont personne ne veut.

A quoi ressemblent ces pierres dont tu te débarrasses ? De quelles sortes d’imprécations personnelles les as-tu nourries ? Quelles incroyables prières transportent-elles ? Sont-elles noires comme la nuit qui les a fait naître ? Sont-elles transparentes, vibrantes, amoureusement portées ? Sont-elles issues de tes mémoires enfouies, tes profondes grottes intérieures dont la terre ne veut plus ? Ont-elles la couleur étincelante des aurores boréales, vertes veines et blanches lumières ? As-tu prévu de les faire exploser et d’éclairer la terre d’un jour nouveau ? A quoi ressemble ta nouvelle création et que nous apporte-t-elle ?

Est-ce pour nous ensevelir ? Qui souhaites-tu voir mourir avant qu’il ne te quitte ? Qui voudrais tu faire revivre d’une éternelle vie, à qui destines-tu cette petite attention ?

Oui, dis-nous. A quoi servent-elles toutes ces pierres que tu nous lances et d’où viennent-elles ? Est-ce que tu le sais ? Tu es dangereux si tu ne sais pas d’où viennent toutes ces choses en toi, ce qui les a nourris et ce qui les transporte. Tu pourrais nous blesser, nous abîmer, écorcher quelque chose en nous qui pourrait ne pas vouloir renaître.

Je ne peux pas t’empêcher de lancer tes pierres. Toutes ensembles ? Une par une peut-être ? Quelques poignées ici et là les jours de grand vent et de possibles tourments ? Nous ne pouvons pas t’en empêcher, nous sommes démunis, désemparés et possiblement fatigués.

Mais je vais malgré tout te dire, avec tes pierres tu feras ce que tu voudras parce que tu es libre. Avec tes pierres, tu essaieras d’atteindre une impossible étoile ou le coeur de ton frère, de l’étranger. Avec tes pierres, tu te feras ta guerre. Avec tes pierres, tu fuiras ton désespoir et tes peines. Avec tes pierres, tu crieras la force et la douleur de l’insulte. Avec tes pierres, tant qu’il t’en restera, tu voudras échapper à tes désespérances. Avec tous tes sacs remplis de toutes tes pierres, tu viens vers nous.

Lance toutes les pierres que tu veux, et vois ce que je choisis d’en faire. Avec les pierres que tu lances vers moi, je fais des sanctuaires, des autels où brûleront pour toi des parfums, des encens et de possibles talismans. Avec tes pierres, je fais de petits cailloux. Avec ces petits cailloux, issus de tes pierres, issus de ton cœur dur comme la roche, je sème d’éternelles traces sur ta route. Pour que tu puisses revenir et rentrer chez toi.

Oui, lance toutes tes pierres.

Et vois ce que choisis d’en faire.

 

 

*Ecclésiaste 3/5

« [Il y a un temps pour tout sous le soleil], un temps pour lancer des pierres et un temps pour ramasser des pierres ».

Petite doléance deviendra grande

Chaque doléance est une petite histoire que le mental invente et vous y croyez absolument. Que vous la formuliez vers l’extérieur ou que vous la mâchiez continuellement à l’intérieur de vous ne fait aucune différence. Certaines personnes pensent ne pas avoir un caractère plaintif parce qu’elles ne l’expriment jamais à haute voix. Mais personne ici n’apprécierait de vivre dans leur tête.

Quand vous vous plaignez vous ne savez pas ce que vous faites. Je veux dire vous avez sombré dans l’inconscience de vous-même. Les insultes en sont la forme la plus grossière, elles font semblant d’attribuer des étiquettes à l’autre, au même titre que les cris, les hurlements, et bien pire, la violence physique.

Les copines des doléances sont, dans le désordre, le ressentiment, l’amertume, l’offense et l’indignation. J’y ajoute la susceptibilité qui est une fausse blessure de l’égo et de votre image de vous-même. C’est une manière de se fuir en posant sur d’autres épaules des blessures narcissiques qui ne veulent pas se nommer.

Quand je parle d’égo je pourrais tout aussi bien parler d’inconscience. C’est la même chose.

La plainte, la doléance, sont l’inconscience de vous-même jugeant l’inconscience de l’autre. N’est-ce pas une sorte de folie ?

Il peut même arriver que le défaut que vous croyez percevoir chez l’autre ne s’y trouve pas. Il s’agit d’une interprétation erronée qui justifie votre mal-être. Une projection de votre propre mental à voir des ennemis partout pour se donner raison. Voire se sentir supérieur.

Parfois le défaut est là et vous l’amplifiez à l’exclusion du reste. Ce faisant vous le renforcez chez vous. Balle au centre, donc.

Si vous devez prendre des mesures pour vous protéger de l’inconscience de certains comportements, essayez de ne pas transformer l’autre en ennemi. Sachez que votre plus grande protection est d’être conscient vous-même. Ne pas réagir à l’insulte verbale et à la méchanceté n’est pas faire preuve de faiblesse mais de force. Contrairement à ce que raconte le petit personnage de l’égo alimenté par les médias, les films qui vous positionnent à dire que vous êtes continuellement en danger d’une chose ou d’une autre. Et surtout que les autres pourraient bien envahir votre territoire dans le but – extrêmement imaginaire – de vous faire mal ou d’obtenir quelque chose de vous.

L’égo adore se plaindre aussi du temps qu’il fait, et de toutes situations possibles au quotidien.

Ce que vous pouvez faire avec une personne vous pouvez le faire avec « ce qui vous arrive », à savoir un ennemi.

La charge énergétique de la plainte se trouve fortifiée par les émotions qui l’animent. Cette manière de réagir devient une sorte de drogue comportementale qui renforce votre faux sentiment d’identité personnelle.

La rancune – le ressentiment éternellement ressassé – permet de tenir une position « contre » quelque chose ou quelqu’un tout en la justifiant. Certaines sont même collectives et survivent des siècles durant dans l’inconscient collectif d’une nation, d’un groupe, d’une famille. Une rancune puissante abîmera vos relations. L’émotion négative – toujours passée – qui lui est attachée déformera sans aucun doute votre perception d’une situation présente et influencera tout aussi bien vos interactions au moment de l’échange.

Vous ne pouvez « essayer » de vous débarrasser de ce problème. Il vous suffit de voir très simplement que votre rancune est une manière de renforcer votre égo qui adore sa position de victime et la tiendra par tous les moyens possibles. Revendications. Règlements de compte. Cris. Luttes. Menaces. Pleurs. Entre autres choses. Comprenez que le passé n’a aucun pouvoir ici et maintenant en-dehors de celui que vous lui donnez. La rancune n’est qu’une vieille et très lourde besace de vieilles pensées et de vieilles émotions.

Notez cependant que se plaindre n’est pas informer quelqu’un d’une erreur avec courtoisie et respect. Il ne s’agit pas d’endurer un mauvais comportement ou de rester à subir de mauvaises paroles. Voyez si vous réussissez à attraper « la voix dans la tête » au moment où elle se plaint. Cette voix qui n’est qu’un conditionnement mental à la lutte et la justification afin de ne pas accueillir « ce qui est ».

Votre plainte dit toujours que vous avez raison et que l’autre a tort. « Avoir raison » est une manière de s’identifier à votre position mentale, votre opinion, votre jugement. Ce qui renforce un faux sentiment de « soi » identitaire.

L’égo fait de toute situation une « affaire personnelle ». Confondant vos propres points de vue avec les faits, qui eux sont toujours neutres. Vous n’êtes alors plus en capacité de faire la différence entre « l’événement » et votre « réaction » face à cet événement. Seule la Conscience, la Présence, vous permettront de faire la distinction entre les deux. Certainement pas vos pensées qui vont et viennent tout en nourrissant vos émotions mortifères.

Par exemple, vous pourriez employer le mot pardon à la place de  ‘ne pas réagir ‘, ne pas être réactif. Pardonner c’est faire à l’autre le « don » de ne pas « tenir (des) compte », c’est voir à travers, voir au-delà. C’est toucher à ce qu’il y a de sain dans l’humain, ce qui constitue son Essence.

Certains mystiques chrétiens ont appelé cette Essence le Christ intérieur. Les bouddhistes parlent de la nature de Bouddha, les hindous de l’Atman, le Dieu qui réside en eux.

Alors respirez. Prenez contact avec cette dimension vivante en vous, cet état parfaitement naturel de qui vous êtes vraiment.

Vous voilà rentré à la maison.

Bienvenue.

 

 

 

 

 

 

 

Soif de compréhension

Cette soif légitime et très humaine entraîne cependant une réelle problématique de communication entre les gens : celle d’être bien plus centrée sur ce que nous avons hâte de partager qu’à l’écoute de notre interlocuteur.
C’est le moment où nous préparons déjà notre réponse au lieu d’être vraiment présent et attentif.
La plupart des Êtres sont trop englués dans leurs émotions et leur vulnérabilité pour être à l’écoute. C’est pourquoi l’ensemble de nos échanges sont en réalité stériles. Ils nous soulagent, peut-être, mais ne portent pas de fruit.
L’écoute est une décision associée à une vraie volonté de partage et de bienveillance. C’est un principe qui correspond à la forme la plus élevée de la motivation humaine.
Nous avons tous tellement en commun et sommes tous si magnifiquement différents. Nos valeurs, nos objectifs, nos motivations, nos façons d’envisager nos vies et nos univers divergent, quand ils ne s’opposent pas radicalement. Dans ce contexte pouvoir « s’entendre », quand cela se produit, tient plutôt d’une sorte de miracle.
C’est pourquoi nous pratiquons tous cet art délicat du compromis qui ne satisfait jamais personne. Nous restons alors sur notre faim d’ être « entendus », au moins par quelques uns. « Entente » pour le moins sujette à interprétation, s’il en est.
Heureusement, nous assistons aujourd’hui à de profonds changements de paradigmes et de perceptions, à de magnifiques prises de conscience. Le développement de nouvelles attitudes – et aptitudes -, de nouvelles cartes et de nouvelles façons de penser.
Les travaux de Marshall Rosenberg*,  le créateur de la CNV [Communication Non Violente] sont extrêmement précieux. Et pas seulement en cas de conflits, mais bien plus comme une manière d’être en conscience. Ses travaux sur nos interactions et nos émotions sont sans égal à ce jour et font des émules dans le monde entier.
Car enfin,voilà bien le paradoxe : ce que nous voulons pour nous-même, nous ne le donnons pas.

Marshall Rosenberg, « Les mots sont des fenêtres »