Archives de catégorie : COMMENT trouver le chemin du pardon

La Vie n’est pas un roman

Je pense à tous ces grands Êtres qui ont marché sur la Terre. Tous ces Esprits profonds, joyeux et tendres. De Jésus à Moise, de Bouddha à Krishna. Avec cette Joie d’Être comme le doux noyau du pépin avant sa germination. Quelque chose de Grand, quelque chose de Beau, vous a été révélé et très peu d’entre vous osent tendre la main vers le grand Fruit de la Réalisation. Il y a toutes ces circonférences, ces grands cercles d’hésitations et les mauvaises fréquentations. Tous ces regards portés vers cet œil noir et tordu d’un monde illusoire. Tous ces oublis de Soi et des autres font pencher la Vie du mauvais côté. Toutes les falsifications intérieures, les petits mensonges et les fausses identités vous mettent la tête à l’envers. Et voilà que le parfum de la Rose ne vous suffit plus. Ni la splendeur du grand Arbre. Ni même le Sourire du Petit. Il vous faut des « choses », et il vous les faut « grandes » et bien visibles. Dieu n’est plus dans le Caillou, mais le Diable reste dans votre chaussure. C’est le frottement de la Vie qui vous fait mal, vous ralentit et vous fait saigner. Alors vous sortez vos vieilles photos, les photos du temps où vous vous sentiez aimés. Du moins, un peu plus aimé que maintenant. Alors vous aviez une Mère, alors vous aviez un Père, un Frère peut-être, ou peut-être une Sœur. Vous les avez laissé derrière vous pour avancer plus légèrement. Vient le jour où cette légèreté vous pèse, les souvenirs vous remontent à la gorge et quelques larmes sur vous-même vous apportent de la fraîcheur, cette petite ondée de l’apitoiement sur soi. Vous oubliez que c’est vous qui, en secouant la poussière de vos chaussures, avez marché sur le Coeur de la Mère, le Coeur du Père, et possiblement aussi, sur les Cœurs des Frères et des Sœurs. Votre mémoire est très courte et vous vous êtes endormi. Nous attendons tous votre Réveil. Alors vos yeux s’ouvriront et peut-être, je dis bien peut-être, un Souffle nouveau émanera de vous et se souviendra du miel de la Vie. Enfin vous cesserez de vivre soumis, vous reviendrez vers le Réel, cette compréhension des choses cachées de l’univers : la Vie est Feu, L’Esprit est Lumière, et tout aspire à votre Beauté.

Jour après jour, je viens à ta porte

Il te faudra de la vigilance lorsque que tu ouvriras un livre rangé depuis très longtemps. Il a été posé là, déplacé peut-être, d’une étagère à l’autre. Il a fait partie de tes choix de vie tout autant, ce que tu as gardé, ce que tu as jeté, tous ces décisions que tu as dû prendre durant la traversée. Tu en as sacrifié quelques uns à la sortie de l’enfance et tu en as sanctifié d’autres qui n’étaient pas à toi. Tu les as reçus, ils sont encore là tandis que tes aimés s’en vont, taillant la route par leur absence. Qu’ils soient morts ou plus simplement partis, ils t’ont quitté. Et le livre est un don de reconnaissance, une pensée qui s’attarde au bord du coeur et des yeux. Ta main le saisit sur l’étagère et ta mémoire se renouvelle. L’ouvrir avec délicatesse est un hommage aux disparus. Il y a là une attention très tendre et peut-être un peu inquiète. Parfois il ne contient rien d’étonnant, ce sont de simples feuilles calligraphiées qui racontent des histoires. Et cette histoire pourrait ne plus t’intéresser. Il arrive cependant qu’en feuilletant le papier quelque chose surgisse qui n’était pas prévu. Une carte postale datant du temps où nos mémoires étaient encore offertes par des mains d’hommes et de femmes. Une lettre absolument oubliée à cause de la douleur, une photo pimpante et ensoleillée d’un paysage marin ou d’une cathédrale, une petite photomaton laide et grise, te sautent au-travers des yeux jusqu’au cœur. N’oublions pas la fleur séchée, souvenir d’une grand-mère ou d’un joli-cœur, tartines et chocolat, le petit Casino avant la plage, les bretonnes marées, « la plage sous les pavés » comme on disait alors.

Tes mémoires sont de si jolies poupées russes !

Chaque livre est un ouvrage, une boîte aux trésors, une malle de voyage. Chaque livre est aussi un coffre-fort, une cage fermée.

Ton existence est onirique et les oiseaux sont au ciel. Parfois la photo est vivante, le paysage incroyable et tous les gens sont beaux. Incroyablement et très parfaitement présents, avec leurs visages tout ouvert et leurs regards droits devants vers nous. Celui qui fixe le temps, celui qui pose, celui qui regarde, tous ces petits mondes ne font qu’un. Alignés, tellement vivants, c’est la Présence. La magie de l’instantané quand il devient Créateur. Quelques secondes et vous voilà éternels. Le mythe d’Icare sans la malédiction, l’envolée sans la chute, l’eau forte d’un peintre inconnu.

Parfois c’est la carte ou la photo qui tombent. Tout ça chute sur le sol et c’est imprévisible. Voilà qu’une Vie glisse à terre. Une date, une signature et quelques mots comme de petites flammes, une brûlure douloureuse, un torrent, une tempête. Ou peut-être une douceur, voyelles et consonnes enfin réunies, des bonbons disparus, du sucre collé au fond de la mémoire pour garder le cœur. Ah ! Reçois le don des larmes comme la reconnaissance de la trace laissé par l’auteur. Laisse-toi traverser par la grande émotion qui vient maintenant éclairer toute la Grâce que tu avais choisi d’ignorer. Laisse-toi porter, oui, car les grandes ailes du pardon sont pour toi. Laisse-toi prendre à la petite ficelle de la mémoire, aucun lien n’est brisé, tout est toujours éternel. Entre les « vivants » et les « morts », les « vivants » et les « vivants », tout est toujours là, à portée du Souffle. La carte, la photo dans le livre, le livre dans la bibliothèque, la bibliothèque dans la maison, la maison sur le territoire, les frontières installées, tout ira en s’effaçant.

Essaie de ne pas l’oublier.

Tes choix de vie te regardent, je veux dire qu’ils te regardent en face et t’interrogent. Ta mémoire n’est rien, ton souvenir est léger. Tout s’en va vers une tendre poussière.

Aussi, je te demande, quelle trace marquera le pas de ton chemin pour celui qui te suit ?

 

Un temps pour jeter des pierres, un temps pour ramasser des pierres *

Quelles pierres lances-tu dans l’univers ? À quel amour t’adresses-tu ? Quelle partie de toi-même souhaites-tu déchirer ? Quelles formes ont-elles, ces pierres que tu jettes ailleurs qu’en toi-même ?

Certaines ont la forme du galet poli par le vivant, la mer roulée quand elle te ramasse, d’autres tiennent au creux de ta main comme de petites pensées, de si jolis songes, de joyeuses illusions. D’autres sont des rocs que tu voudrais rouler au-dehors vers de possibles voyages, de lourdes rancunes, des noyades insensées. Certaines brillent comme de jolis cristaux, de petites graines que tu cherches à donner et dont personne ne veut.

A quoi ressemblent ces pierres dont tu te débarrasses ? De quelles sortes d’imprécations personnelles les as-tu nourries ? Quelles incroyables prières transportent-elles ? Sont-elles noires comme la nuit qui les a fait naître ? Sont-elles transparentes, vibrantes, amoureusement portées ? Sont-elles issues de tes mémoires enfouies, tes profondes grottes intérieures dont la terre ne veut plus ? Ont-elles la couleur étincelante des aurores boréales, vertes veines et blanches lumières ? As-tu prévu de les faire exploser et d’éclairer la terre d’un jour nouveau ? A quoi ressemble ta nouvelle création et que nous apporte-t-elle ?

Est-ce pour nous ensevelir ? Qui souhaites-tu voir mourir avant qu’il ne te quitte ? Qui voudrais tu faire revivre d’une éternelle vie, à qui destines-tu cette petite attention ?

Oui, dis-nous. A quoi servent-elles toutes ces pierres que tu nous lances et d’où viennent-elles ? Est-ce que tu le sais ? Tu es dangereux si tu ne sais pas d’où viennent toutes ces choses en toi, ce qui les a nourris et ce qui les transporte. Tu pourrais nous blesser, nous abîmer, écorcher quelque chose en nous qui pourrait ne pas vouloir renaître.

Je ne peux pas t’empêcher de lancer tes pierres. Toutes ensembles ? Une par une peut-être ? Quelques poignées ici et là les jours de grand vent et de possibles tourments ? Nous ne pouvons pas t’en empêcher, nous sommes démunis, désemparés et possiblement fatigués.

Mais je vais malgré tout te dire, avec tes pierres tu feras ce que tu voudras parce que tu es libre. Avec tes pierres, tu essaieras d’atteindre une impossible étoile ou le coeur de ton frère, de l’étranger. Avec tes pierres, tu te feras ta guerre. Avec tes pierres, tu fuiras ton désespoir et tes peines. Avec tes pierres, tu crieras la force et la douleur de l’insulte. Avec tes pierres, tant qu’il t’en restera, tu voudras échapper à tes désespérances. Avec tous tes sacs remplis de toutes tes pierres, tu viens vers nous.

Lance toutes les pierres que tu veux, et vois ce que je choisis d’en faire. Avec les pierres que tu lances vers moi, je fais des sanctuaires, des autels où brûleront pour toi des parfums, des encens et de possibles talismans. Avec tes pierres, je fais de petits cailloux. Avec ces petits cailloux, issus de tes pierres, issus de ton cœur dur comme la roche, je sème d’éternelles traces sur ta route. Pour que tu puisses revenir et rentrer chez toi.

Oui, lance toutes tes pierres.

Et vois ce que choisis d’en faire.

 

 

*Ecclésiaste 3/5

« [Il y a un temps pour tout sous le soleil], un temps pour lancer des pierres et un temps pour ramasser des pierres ».