C’est tout ce que j’ai, c’est tout ce qui restera

Tiens, voilà l’automne. L’été est mort, bien qu’il traîne encore un peu. Il est comme ceux qui font semblant d’être vivants et se fabriquent des illusions. Il reste encore un peu de flamboiement intérieur à ceux qui voyagent. Les grandes étendues, les déserts et les froids intérieurs t’éloignent de ta maison. Ils racontent des histoires, à leur façon. Et tu ne vas nulle part : c’est juste un changement de saison. Hier encore, ta chaleur était vivante et douce, et voilà que le vent te cogne encore. Tu pourrais t’affaler, la Vie a toujours mille façons de te pousser. Mais ça n’est pas si simple et mourir n’est pas donné à tout le monde.

Toi, tu ne veux pas grandir, tu veux juste profiter du soleil. Toi, tu crois que tu es celui qui sait tout quand tu ne connais rien. Tu accumules les petites images, comme d’autres les couvertures, en prévision des grands froids. Mais la mort n’a rien de polaire. La mort est tendre, intrépide et brûlante. Je ne parle pas ici de la fin du souffle qui t’a été donné. J’invoque tes incantations, les inutiles souffrances qui t’animent. Les pertes, les trahisons et les mauvais cafés. Les petits sanglots, les noyades et les petits glaçons.

Tu penses que tu ressembles à ce que tu vois dans la glace, matin après matin. Et bien sûr, cela n’est pas tout à fait faux. Il y aura toujours tes cernes, tes yeux pâles et tes petits cheveux. Petit. Petit. Tout est toujours petit dans ton monde. Et si le diable est dans les détails, tu ferais bien de t’en souvenir. Petit, l’enfant et son vélo rouge. Petit, le bébé dans la neige. Petit, le vieillard au bout du chemin. Petite, la bague qui tient la promesse. Petite, petite, ton attente des jours à venir. Tu pourrais ouvrir les bras, avec élégance, grandeur et belles dispositions. Mais tu préfères te diminuer, rapetisser et peut-être disparaître. Et te voilà minuscule. Une tête d’épingle. Un petit bout d’homme qui ne veut pas plier. Et que le ridicule ne tue pas, permets-moi d’en douter. Douter de ton intelligence, ton discernement et ta capacité à revenir vers nous. Et si Dieu vit en toi, ne reste qu’à Le trouver. Tu ne fais pas beaucoup de place à la Vie et ton coeur s’est encore déplacé. La Lumière t’a cherchée et tu as reculé.

Colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent. Tu aimes les jolis poèmes et les jolies femmes et les jolis ciels. Quand il t’arrive de lever les mains, c’est pour ne pas tomber. Il faut dire que ta dernière chute nous a coûté cher. Chassés du Paradis, ça n’est pas moins que rien. Mais c’est bien plus que ce que nous pouvons supporter.

Aux portes de l’Eden, qui t’ouvrira ? Qui s’engagera pour toi ? Le Ciel se fiche bien de tes imperfections, de tes doutes et de ton double menton. Ne sais-tu pas que tu finiras par être oublié ? Le Ciel n’attend que toi, et quand je dis « toi », je devrais préciser : la taille du costume ne fait rien à l’affaire. Mourir avant de mourir, voilà le chemin. Mourir à tes petites histoires, tes projections et tes diaporamas. Mourir à tes croyances, tes plaies et tes fausses réalisations. Quoi que tu fasses, petite aussi sera ta dernière demeure. Absences et grains de poussière, telles seront tes dernières créations.

Alors moi je dis : c’est quand tu te sens seul que tu dois te retrouver. Nulle part où aller et rien à attendre. La terre tourne sur elle-même, ce monde ne peut rien te donner. Mais si tu acceptes la mort dont je te parle, tu renaîtras de tes cendres. Tu seras fort, invincible. Tu seras solide, fiable et puissant. Tu seras beau comme un soleil et rayonnant d’un amour vrai. Tu fléchiras encore sous les coups de l’ami, la déception et la trahison de ton frère. Un genou à terre, tu croiras à la défaite et peut-être à la peur. Et même cette idée-là aura fait son temps. Tu ne confondras plus l’illusion de la forme, les conditionnements et les programmations, avec le vivant de ton Être. Tu seras le Magicien qu’attendent ceux qui ne se connaissent pas encore.

Je n’ai que l’Essentiel à te donner, et c’est un petit morceau de ciel que tu pourrais bien accepter.

Parce que c’est tout ce que j’ai, c’est tout ce qui reste.

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6 réflexions au sujet de « C’est tout ce que j’ai, c’est tout ce qui restera »

  1. Coucou. Très joli. On passe de l’automne, à colchique dans les prés. Les mystères de la vie, la mort, la croyance et dieu.. Tout y est. Très beau. Une bonne lecture.

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